Nous avons tous connu, ces deux dernières décennies, les hoquets du déploiement des NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication), de ce que tout laissait augurer comme un extraordinaire outil de communication, simple et rapide devenu quelque chose d'usant au point de nous détourner parfois de son usage.
D'aucuns ont fait de nos messageries personnelles des bouteilles à encre, des outils opaques et incontrôlables, inondées d'informations inutiles entraînant des pressions, parfois des souffrances et de la désorganisation.
Je me suis amusé à répertorier, en quelques jours, ce qui en faisait un cauchemar.
Exemples de la vie courante...
La palme revient à ma banque qui m'envoie des mails, pour me dire qu'un mail est disponible dans ma boîte de réception, accessible seulement par mon espace personnel sur le site de celle-ci. Cela me rappelle les débuts du mail, en 1995, où l'on se téléphonait avec un réel sentiment de victoire sur la technique, juste pour se dire : « je viens de t'envoyer un mail ! ».
J'ai décidé in peto que je n'étais pas l'esclave de ma banque et que je m'abstiendrais soigneusement de me rendre sur mon espace perso pour prendre connaissance de ce qu'elle a à me dire. Si c'est important et urgent, mon conseiller m'appellera. Me rendre sur le site ne fera que permettre à ma banque de m'opposer le moment venu le fait que je me suis bien rendu dans l'espace correspondance et que je ne peux nier avoir pris connaissance des modifications des conditions générales d'utilisation de mon compte. Il est regrettable que ce mode de fonctionnement ait pu s'installer chez des professionnels de santé.
La deuxième place de ce triste palmarès revient aux avocats, qui désormais économisent nombre de frais d'affranchissement en adressant des mails ou la seule phrase intelligible est « veuillez prendre connaissance du courrier joint » qui est un superbe PDF que mon ordinateur, bien que puissant met plusieurs secondes à ouvrir.
Le reste n'est que du verbiage prévenant qu'en cas d'erreur de destinataire, je suis prié de détruire ce message sans en prendre connaissance ni le transférer.
Et si l'on disait une fois pour toutes que l'envoi au bon destinataire est bien de la responsabilité de l'expéditeur, et de nul autre...
La perversité du système m'est apparue lorsqu'il a fallu que je retrouve à quelle date mon avocat m'avait adressé une information. Il m'a fallu ouvrir tous ces mails les uns après les autres, ouvrir toutes les pièces jointes, pour finalement m'apercevoir qu'il était plus simple d'imprimer lesdits PDF au fur et à mesure de leur réception pour en faciliter l'usage.
Bref, mon avocat a compris comment économiser à la fois les frais d'envoi et les frais d'impression, et comme le courrier électronique à la même valeur probante que le courrier papier, la charge de sa gestion revient au destinataire.
Au niveau médical...
En 2014 l'ASIP s'associe à la plateforme « DGS Urgent » mise en place par le ministère afin d'alimenter en flux utiles la MSS.
J'ai reçu, comme nombre d'entre vous il y a quelque temps un message de l'ASIP Santé me signalant qu'un message m'attendait dans ma boîte aux lettres MSS.
Je me précipite, il ne pouvait s'agir que d'un message urgent et important :
En effet, c'est un message « DGS Urgent » !
De quoi peut-il s'agir ? De l'arrivée de nouveaux cas de SRAS en France, de l'émergence d'une variante du HIV ou encore d'une flambée incontrôlable de méningites bactériennes ?
Que nenni !
II existe tout simplement un nouveau pictogramme indiquant une possible tératogenicité de certains médicaments, information à destination du grand public et non des médecins.
Un message « DGS-info » en mode non urgent aurait bien fait l'affaire.
Heureusement, le 25 octobre, un autre message « DGS urgent » : une véritable information urgente en santé publique à propos de l'épidémie de tuberculose à Madagascar.
Le canal de la messagerie sécurisée est justifié. Le message est utile et bienvenu puisqu'il est d'une tout autre portée que l'annonce d'un nouveau pictogramme.
Mais quand même, dans le premier cas cela s'appelle du SPAM, un message non sollicité par le destinataire aux seules fins de plaire à l'expéditeur. À trop user du mode bris de glace, l'information nécessaire aux soins est noyée dans un flot d'informations secondaires, à l'importance non nulle, mais dont l'attribution « DGS urgent » peut relever de la qualification d'abus d'usage.
La lutte contre le SPAM est un vieux combat pour l'APICEM, il est devenu pluriquotidien. Nous y dédions un mi-temps de technicien ! C'est un coût certain consacré à la gestion de mails sans intérêt, et pire encore à une pollution des informations qui affluent vers les professionnels de santé
L'APICEM accompagne les démarches visant à faciliter le travail des soignants en permettant la transmission d'informations urgentes et vitales via APICRYPT. Nos équipes se tiennent prêtes à répondre aux demandes spécifiques des organismes qui dépendent des pouvoirs publics.
Il est peut-être temps pour eux de s'ouvrir au dialogue.
En attendant ces évolutions nécessaires, dites non aux SPAMS !